Deux-pièces

Le jeu de la perception

Munro Galloway est venu s’installer à Paris pendant un an. Lors de ces visites à l’Accademia de Venise et au Louvre, il redécouvre les diptyques et surtout le Diptyque en forme de livre du Louvre datant du XIII^e siècle : diptyque comme un livre avec les deux faces analogues d’un même support.

Pour des raisons pratiques, Munro choisit de plier ses feuilles en petit format et de travailler les deux pages en écho, en regard de la pliure. Il se déplie alors un jeu avec les yeux devenus sujets et objets du regard. Ces dessins nous regardent comme nous les regardons dans un face à face cherchant les concordances.

Munro Galloway l’exprime ainsi : « Le diptyque évoque la question de la vision binoculaire (des yeux), de la double vision, de la répétition ou du reflet, du déjà vu, de l’avant et de l’après, des cadres cinématographiques, et même du Rorschach test. Pour moi, la question cruciale est la relation entre les deux panneaux – est-ce simplement une répétition ? Une réflexion ? Ou y a-t-il un passage du temps où l’œil se déplace d’un côté à l’autre ? Les formes et la composition des peintures peuvent suggérer les yeux, mais il s’agit aussi de regarder et de synthétiser deux images en une seule. Au fur et à mesure que les peintures progressent, je suis devenu plus intéressé par la dissemblance entre les panneaux appariés – les façons dont ils se résistent. »

Qu’est-ce que cela pourrait être ?

Au début du test de Rorschach, on pose invariablement cette question : « Qu’est-ce que cela pourrait être ? » Oui, qu’est qui se joue dans l’histoire des représentations de Lascaux à aujourd’hui dans la ressemblance, et plus encore dans une peinture qui se fraye un chemin entre figuration et abstraction ? Munro Galloway nous interroge sur ce que nous voyons, sur ce que l’art pourrait être. Ce jeu de paréidolie, l’artiste le convoque dans ces dessins et ces peintures en diptyques. Et, dans une autre série, tel un journal de sa vie à Paris, il nous livre sous forme de livre ouvert son œil ouvert à ses expériences. Ici on perçoit un goût pour l’art de Philip Guston. On peut également penser aux dernières gravures de Picasso mettant en scène un Edgar Degas voyeur dans un coin regardant la scène dessinée. Le quotidien devient une valse répétitive où le dessin vient ponctuer le temps.

Lionel Dax

Munro Galloway

Munro Galloway est un artiste basé à Los Angeles, CA. Il a récemment participé à l’exposition « Dust : Plates of the Present » au Centre Pompidou, Paris, France. Parmi les expositions personnelles précédentes, mentionnons « California House » au Tack Room, à La Verne, en Californie ; « Chairs Missing » au Studio 10, à Brooklyn, dans l’État de New York ; « Four Years » à la University of Redlands Art Gallery, à Redlands, en Californie ; et « Green River » à Murray Guy, dans l’État de New York, dans l’État de New York. Son travail a été examiné dans Artforum, Art Press, The Brooklyn Rail, Hyperallergic, The New Yorker, et d’autres publications.

Il a été cofondateur de Soloway, une galerie d’artistes à Brooklyn, NY, et est coéditeur et éditeur du zine Modern Pizza.