« Pour décrire effectivement cette époque, il faudrait sans doute montrer beaucoup d’autres choses. Mais à quoi bon ? Il faudrait plutôt comprendre la totalité de ce qui s’est fait, ce qui reste à faire et non ajouter d’autres ruines au vieux monde du spectacle et des souvenirs » Guy Debord

Immédiatement, une forme de reconnaissance. Les objets et les images que convoquent Lucille Léger et Maxime Duveau semblent familiers. Du moins en cela qu’ils renvoient à un imaginaire collectif nourri de ces formes vernaculaires qui participent à un sentiment de nostalgie – chez elle, celles des objets décoratifs, chez lui, celles devenues iconiques sur les écrans des cinémas. Images des bow windows si caractéristiques de San Fransciso, ou lit à baldaquin, abat-jour en cloche, objets domestiques sans âge qui auraient traversé le XXe siècle. Mais à bien y regarder, ce que l’on croit reconnaitre est d’emblée troublé par une étrangeté. Les formes, les images sont tronquées, recomposées. Il manque ; ou il ne reste que des bouts réassemblés.

In pieces, littéralement : en morceaux, en pièces. Parce que les sculptures de Lucille Léger, les dessins de Maxime Duveau jouent avec une forme de fragmentation et de découpe du référent, par ponction, recouvrement ou rajout. Morceaux de matières molles ou souples terminant le pied d’une lampe, châssis d’abat-jour recouvert d’une pâte rugueuse et accidentée, ou encore ce montant d’un lampadaire habillé d’une peau de résine transparente, les sculptures de Lucille Léger jouent d’un faux-semblant. Sous leurs airs d’objets industriels, elles se composent d’un agglomérat de matières et de matériaux hétérogènes, morceaux mis bout à bout comme des greffes organiques et dont la monstruosité interroge les usages habituellement associés aux objets qu’elles convoquent. Découpe de fenêtres à guillotine, frondaisons de palmiers, ou encore pointe d’une façade de maison en bois… Les dessins de Maxime Duveau composent des paysages dans lesquels les signes se superposent et s’occultent les uns les autres, parasitant la lecture pleine et transparente de l’image archétypale. Rapportés de la photographie, ces éléments sont passés par le filtre du pochoir et d’un jeu de sélection de contrastes pour se résoudre à quelques indices. Couches après couches, les strates se déposent sur la surface du papier venant dans le même temps faire apparaitre et se disloquer le dessin même. Une entropie de l’image rappelant la logique d’une mémoire écran, dont l’écriture sans cesse réactualisée nécessite l’effacement.

Réunir ces travaux dans une même exposition, c’est éprouver un imaginaire archéologique, celui d’un monde en pièces ou l’impression d’unité ne tient que par l’habitude et la conformité.

Lucille Leger vit et travaille à Paris et est diplômée des Beaux-arts de Paris et de l’École nationale supérieure d’arts de Paris-Cergy. Elle réalise des sculptures au croisement du mobilier et des formes végétales, animales et humaines. En leur donnant un aspect anthropomorphe, ou par l’utilisation de matériaux fragiles et éphémères elle interroge les liens entre le vivant et l’inerte. Ses installations sont des propositions hybrides, à l’intersection de l’espace domestique, du monde organique et de l’espace d’art. En 2018 elle est sélectionnée pour la résidence Snehta à Athènes. Elle est exposée notamment aux Magasins Généraux, Pantin, à BSMNT, Leipzig en 2020 et au Palais des Beaux-Arts, à Bétonsalon et à DOC!, Paris en 2021.  Elle a cofondé l’espace d’art Domestic Cults at Scale à Nantes et fait partie de Groupe Liaison Concrète.

Maxime Duveau est diplômé de la Villa Arson à Nice en 2015. Depuis plusieurs années, il poursuit un voyage dans le temps et dans l’espace pour s’approprier un imaginaire collectif. Les pratiques du dessin au fusain, au pinceau et à l’encre de chine, au scotch, au cutter et la pratique scripturale font alliance dans son travail. Il est récipiendaire de nombreux prix, notamment le prix David-Weill ou encore le Prix de la Jeune Création – 7000 Art Company. Son travail a bénéficié d’expositions personnelles dans des lieux prestigieux dont la Fondation pour l’Art Contemporain Claudine et Jean-Marc Salomon à Annecy. Maxime Duveau a également participé à de nombreuses expositions collectives, ses œuvres sont présentes dans des collections privées et publiques de renom, dont le MAMC+, la Ville de Lyon et la Fondation Colas.

Le Passage, galerie de Prép’art • 111 bis boulevard de Ménilmontant, 75011 Paris

Mentions Légales • © Prép’art 2022

Privacy Preference Center